Des pistes de Madagascar aux routes de l’Hexagone, Mika Rasoamaromaka a suivi une trajectoire guidée par la passion et la conviction profonde que rien n’est impossible. À vingt-trois ans, le Malgache incarne la preuve que le talent n’a pas de frontières. Entretien avec le lauréat du Clio Trophy France Terre.

Mika, comment votre carrière a-t-elle commencé ?
Mon père m’a transmis sa passion du rallye. Il en faisait lui-même, et j’ai d’abord fait un stage de pilotage chez Drive Control à quatorze ans. L’année suivante, j’ai fait mes débuts en compétition et j’ai été deux fois vice-champion de Madagascar en slalom. Puis j’ai disputé mon tout premier rallye à dix-huit ans. C’était l’année du Covid, il n’y avait que deux épreuves au calendrier. Puis, en 2021, j’ai effectué ma première « vraie » saison complète.

Et le résultat est immédiat… Vous attendiez-vous à être performant aussi rapidement ?
J’ai remporté le Championnat de Madagascar et je reste à ce jour le plus jeune pilote titré puisque j’avais dix-huit ans. Dès mes premiers engagements, j’ai toujours eu l’envie de gagner. Et malgré un abandon sur mon premier rallye, je suis reparti le lendemain et j’ai signé plusieurs temps scratch. J’ai alors compris que le potentiel était là. Nous avons ensuite énormément travaillé sur le pilotage, la voiture et la préparation. Après une troisième place sur une manche à gros coefficient où j’ai perdu une roue, le titre s’est joué lors de la dernière épreuve. C’était quelque chose de très fort, et cela a marqué le début d’une nouvelle réflexion pour la suite.

Comment le lien avec le Clio Trophy France Terre s’est-il créé ?
Nous sommes venus au Rallye Cœur de France, où j’ai retrouvé des amis qui vivaient déjà en France. Il y avait notamment le copilote de mon frère jumeau, Judicael. Il avait entendu parler du Clio Trophy et nous a proposé de tenter l’aventure. Nous nous y sommes intéressés et nous avons fait la connaissance de Jérémy, le team manager de Fun Meca Sport, qui nous a pris sous son aile. Sur le papier, passer d’une Rally2 à une Rally5 peut ressembler à un pas en arrière, mais cela m’a fait énormément progresser. Dans une formule de promotion, tout le monde a la même voiture : seuls le pilotage et le travail font la différence. Lors de ma première spéciale au Terre des Causses en 2022, j’ai signé le quatrième meilleur temps, mais c’était comme une petite claque. J’avais beau être Champion de Madagascar, je devais me remettre en question. Cette étape a été déterminante dans mon développement en tant que pilote.

Que retenez-vous de vos premières campagnes en France ?
C’était une grande découverte. Le championnat, les tours de reconnaissances, l’organisation… Tout était nouveau pour moi. Je me souviens aussi de mon premier scratch en Clio Trophy France Terre, dans la Power Stage du Terre des Causses, puis de notre premier podium « fraternel ». J’avais terminé deuxième et mon frère troisième à Langres. C’était très fort pour nous deux. La deuxième saison a marqué une montée en puissance. Et en 2024, j’étais régulièrement dans le top trois, à me battre contre Tom Pellerey et Benjamin Boulenc avant mes abandons. Les performances étaient là, mais il nous a manqué un peu de réussite.

En 2025 en revanche, tout s’aligne d’entrée de jeu…
Sur les trois premières manches, tout s’est déroulé comme nous l’espérions. Nous avons quasiment pris le maximum de points, notamment grâce aux points « performer ». Sur chacune de ces épreuves, nous avons immédiatement pris la tête tout en remportant entre cinq et six spéciales sur dix.

Puis arrive le Rallye Terre des Cardabelles…
C’était un rallye que je n’avais pas disputé depuis deux ans. Lors des reconnaissances, nous n’avions pas repéré une compression dans l’ES7. En passant à bloc, l’arrière s’est levé et nous avons fini dans les arbres après plusieurs tonneaux et un contact avec une VH qui était déjà sortie. La voiture était détruite. Ma copilote Mélissa et moi avons surtout souffert aux cervicales, mais rien de cassé. Nous nous en sommes plutôt bien tirés.

Et le titre est toujours possible avant la finale…
Nous avions un point d’avance sur notre équipier, Anaël Cayla. Le règlement ne retenant que les quatre meilleurs résultats, mon accident comptait comme mon plus mauvais score. Nous avons fait tous les calculs : pour être titré, il fallait soit finir devant lui, soit terminer juste derrière, tout en marquant des points sur au moins cinq spéciales. Au Rallye Terre de Vaucluse, la première journée a été un peu mouvementée avec une crevaison, mais le scénario nous restait favorable. Le lendemain matin, j’ai reçu un appel m’annonçant l’abandon d’Anaël. Je n’avais plus qu’à rallier l’arrivée et nous avons donc parcouru les trois derniers secteurs chronométrés sans prendre le moindre risque.

À quel point était-il difficile de gérer avec le barème du Clio Trophy France Terre ?
C’est très complexe, car l’on peut gagner avec une minute d’avance, mais inscrire moins de points qu’un pilote classé deuxième s’il est plus performant sur les spéciales à points. Au Rallye Terre des Cardabelles, par exemple, nous étions devant pour moins de dix secondes, et nous attaquions jusqu’à cette fameuse compression mal notée. L’équilibre entre attaque et gestion est donc difficile à trouver, d’autant plus sur la longueur d’un championnat.

Vous êtes l’un des plus jeunes lauréats de l’histoire du trophée, et le premier pilote non français à remporter le Clio Trophy France. Est-ce que cela dépasse vos espérances initiales ?
Oui, clairement. J’ai vite compris que le chemin serait long. À Madagascar, je n’analysais pas mes caméras comme je n’y ai fait qu’une saison, mais je ne travaillais pas autant qu’ici. J’ai découvert une nouvelle rigueur. Le potentiel a toujours été là, mais il a fallu des années de travail pour le concrétiser. Aujourd’hui, ce titre est l’aboutissement de tous ces efforts.

Votre changement de copilote a-t-il joué un rôle clé dans votre succès ?
Bastien Pouget étant plus occupé, j’ai compté sur Mélissa Declerck, qui avait déjà gagné le titre avec Quentin Ribaud. Son expérience a été déterminante. Elle m’a apporté en maturité. Lorsque je prenais trop de risques, elle savait me calmer et me canaliser. Et souvent, après cela, nous réalisions quand même le meilleur temps alors que j’aurais pu sortir en continuant comme j’étais parti. Cela a clairement eu son importance.

Parlez-nous de votre relation avec votre frère Faniry ?
C’est mon jumeau et nous avons toujours été en compétition, depuis nos premières courses de slalom jusqu’au Clio Trophy France Terre. Dans la voiture, nous sommes rivaux, mais en dehors, nous nous apportons beaucoup mutuellement. Nous avons des styles différents, mais très complémentaires. Jérémy a beaucoup insisté sur le fait que nous devions nous compléter. Même s’il n’était plus engagé en Clio Trophy France Terre cette année, il m’a beaucoup aidé en me signalant certaines zones piégeuses lorsqu’il était engagé dans des catégories supérieures ou simple spectateur. Il agissait un peu comme un ouvreur et j’ai clairement évité des erreurs grâce à lui. Cette fraternité est un atout et je pense que nous allons encore plus nous appuyer dessus à l’avenir.

Quels sont aujourd’hui vos points forts et vos axes de progression ?
Je connais désormais beaucoup mieux les épreuves françaises, ce qui me permet de m’exprimer pleinement dans mon pilotage. J’ai aussi appris à faire totalement confiance à mes notes et à m’engager dès les premiers passages. En revanche, je dois encore progresser dans la gestion de course. Savoir gérer ne signifie pas ralentir, mais doser le niveau de risque sans sortir du top trois. Si l’on observe mes statistiques, on voit que je marque beaucoup de points le premier jour, puis moitié moins le second. Je dois donc continuer à travailler là-dessus.

Quel est votre regard sur Clio Rally5 ?
Sur la terre, c’est une bonne petite voiture offrant un excellent compromis. Elle est très proche de la série, avec peu de réglages de châssis, mais elle peut signer des temps très proches, voire devant les Rally4 quand elle est bien exploitée.

Pour finir, que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
J’aimerais vivre une expérience en mondial, à l’image de Tom Pellerey ou d’Arthur Pelamourgues cette année. Quelques manches seraient déjà un rêve. J’aimerais aussi découvrir l’asphalte, qu’importe la Clio. Quoiqu’il advienne, je resterai fidèle à ma philosophie de vie : God’s Plan. Je suis croyant, donc je fais ma part du travail, et le reste appartient à Dieu.

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